Décembre, un temps en quête de couleurs..
Se laissant glisser sur les pentes obscures du solstice d’hiver, Décembre tenta, comme tous les ans, d’éteindre le moindre éclat coloré de la surface de Ré.
Mais, c’était sans compter sur les petits peuples de l’île, qui, tout au long de ma quête, m’apportèrent, arc-boutés sur leurs frêles pattes, tiges ou tentacules, les riches éclats dont ils sont dépositaires.
Alors, au fur et à mesure de ce périple sous une grisaille bien triste, un trésor s’accumula au fond de ma besace à images, trésor qui lentement se mit en forme avant que n’en jaillisse un arc-en-ciel que d’aucuns auraient pu croire irrémédiablement anéanti.
Ainsi fut brisé le sinistre élan de Décembre, réduit en cendres par les feux du Vivant.
C’est au détour d’un sentier, sur une vieille souche qui tentait de se réchauffer dans une lumière blafarde que j’ai trouvé le Rouge.
Quelques grappes flamboyantes s’accrochaient fébrilement à cette éphémère source de réconfort : la "Lygée point", à ne pas confondre avec la "Punaise de Feu" (le Gendarme), témoignait ainsi par sa présence de l’avancée inexorable de la douceur méditerranéenne jusque sur nos côtes.
Le Rouge donc, incandescent et fusionnel !
L’Orange m’a promené longtemps dans les clairières des pinèdes, avant de le trouver, planté tel un sceptre au milieu d’un palais moussu. Là, le Cordyceps militaire, car c’est son nom, dans une immobilité absolue, accomplit imperceptiblement son oeuvre dévastatrice.
En effet, juste en dessous, le mycélium de ce champignon digère lentement la chrysalide de la Processionnaire du Pin qui se croyait bien à l’abri, terrée dans le sable.
L’Orange donc, majestueux et redoutable !
Le Jaune, lui, m’a conduit sur l’estran. Il jouait à cache-cache entre les frondes des Fucus, avec la complicité espiègle des vagues de la marée descendante.
Quelques Littorines obtuses , toutes en rondeur malgré leur nom, se laissaient balloter doucement par le flot et se préparaient à passer quelques heures au sec.
Le Jaune donc, joueur et nonchalant !
Le Vert était tout proche, éparpillé sur le sable et les rochers, dans un parterre dont l’éclat étoilé ne pouvait que piquer l’oeil du promeneur.
Les zooxanthelles hébergées par les anémones de mer diffusaient une étrange lumière verte, donnant un spectacle irréel à ce jardin animal.
Le Vert donc, fluorescent et symbiotique !
Le Bleu quant à lui, sautillait allègrement dans les prés en lisière des bois, accompagné de force cris afin d’éloigner la concurrence.
Une escadrille de Geais des chênes arpentaient les lieux en quête de quelque friandise dans la fraîcheur de Décembre.
Le Bleu donc, désinvolte et gourmand !
Enfin, le Violet faillit m’échapper et prit la forme d’un message. Inquiète de ma présence à côté de son rocher, et faute de plume pour me l’écrire, une aplysie (un lièvre de mer) vida son encrier à mes pieds, ce qui en son langage, me signifiait tout simplement de passer mon chemin ; ce que je fis, non sans en avoir accusé réception, en images naturellement ! Puis le message se dispersa bien vite dans l’océan..
Le Violet donc, en forme d’écriture furtive !
Je pensais alors avoir terminé ma quête, mais, comme c’est souvent la cas dans mes balades, c’est là qu’arrive la surprise, comme pour me rappeler à l’ordre et ne pas relâcher mon attention.
Un couple de "Nerophis lombric", ces cousins des Hippocampes, me firent le précieux cadeau d’un double rang de perles de Vie.
L’éclat à l’état pur se tenait là, bien aligné sous le ventre du mâle : deux rangées d’oeufs s’apprêtaient à se faire dorloter quelques semaines en attendant la fabuleuse aventure de la Vie océane.
Alors, fidèle lecteur, en ce début d’Hiver, prend le temps de chercher entre les herbes ou les branches, sur le sable ou sous les rochers : un arc-en-ciel bien vivant t’y attend.
La Nature porte en son sein, depuis des temps immémoriaux, la féerie d’un Noël éternel..
Accourez, Venez tous, c’est par ici..!
Patrice Giraudeau
