Nous nous sommes croisés en Janvier 2024

Rencontres lors de mes collectes dans les écosystèmes de l’île de Ré


Janvier, antique porte du Temps..

Qui passe ou qui s’écoule ?..

Si j’en crois les chenaux de l’estran et des marais, faute de rivière sur Ré, ici le temps passe et repasse au rythme des marées.
Ainsi en est-il de la clepsydre rhétaise, qui coupe le temps en quatre, et qui, faute de cloche, aux heures pleines, martèle le pied des falaises et des dunes deux fois par jour..

Justement, c’est à plein Pertuis que la voleuse de temps m’a donné quelques rendez-vous en ce début d’année.

A ces heures de petit déluge, dans les marais, il faut aller au Grand Vasais, près de la Maison du Fier, et voir l’étang se transformer en Arche de Noé ; des Bécasseaux variables aux Grands Gravelots, en passant par les Pluviers argentés et les Barges à queue noire, les Chevaliers gambettes et les Avocettes élégantes, tous se comptent par milliers, rivés les uns aux autres en bancs compacts...
Ce jour de Janvier, plus de douze mille d’entre eux composaient une immense mosaïque animale, troublée de temps à autres par de profonds soubresauts, projetant, l’espace de quelques instants, une formidable vague ailée qui déferlait alors dans un puissant mais discret bruissement de plumes, avant de se fondre dans le calme de l’endroit. A chaque fois, c’était comme un soupir du Grand Vasais, déconcerté par une telle multitude..

Au même moment, du haut des falaises, fort modestes, je le reconnais, du Grand Marchais ou des Châteliers, la pleine mer rapproche la côte de tout un peuple de plongeurs.
A commencer par les plongeurs de haut vol, Fou de Bassan ou Sterne caugek, qui n’hésitent pas à s’élancer d’une bonne quinzaine de mètres au dessus l’océan : telles des flèches décochées d’un arc, la précision de leurs vertigineuses trajectoires ne lasse pas d’impressionner.

Sterne caugek - 11/09/2021 - Le Lizay / Les Portes en Ré
Sterne caugek - 11/09/2021 - Le Lizay / Les Portes en Ré
Crédits : Patrice Giraudeau

Et puis il y a ceux, moins spectaculaires, mais tout aussi efficaces, qui pratiquent la méthode "canard plongeur" ; et en cette saison, ils sont nombreux à se livrer à ce petit jeu dans le Pertuis Breton.
A commencer par les Grands Cormorans, sans doute parmi les meilleurs spécialistes de l’exercice, en compagnie de quelques Plongeons imbrins qui aiment bien profiter de la panique ainsi créée parmi la gent aux écailles d’argent..
De temps à autres, une petite tête aux yeux de braise dépasse au dessus des vagues : il est discret, mais le Grèbe à cou noir n’a pas de leçons à recevoir de ses collègues plongeurs ; il se débrouille très bien tout seul.
J’ai aussi eu la surprise de croiser une véritable escadre de Grèbes huppés à la Pointe des Barres : une bonne douzaine en moins de 500 mètres ! Et, juste à côté, un Plongeon catmarin avait choisi de jeter l’ancre pour observer le spectacle ; il a dû l’apprécier, car il y a passé toute la journée !

Au Grand Marchais, c’est un autre genre de spectacle qui m’attendait. Il fallait croire que l’endroit n’était guère poissonneux pour nos plongeurs et mieux valait pour eux filer rapidement ailleurs avant que les bons coins soient occupés par la concurrence ; c’est ainsi que j’ai vu passer à tire d’aile, Grand Cormoran, Grèbe huppé, Plongeons imbrin et catmarin ! Un vrai défilé aérien de plongeurs, montrant toute la diversité de l’aéronavale rhétaise..

Par contre, dans les Bois et les Prés, la clepsydre rétaise n’ayant rien à égrener, pas plus que les oiseaux d’ailleurs, le temps semblait suspendu au vol de quelque intrépide en quête de nourriture. Un grand calme règnait en attendant le Printemps ; au mieux, entendait-on ici ou là, au détour d’un bosquet, huir un Faucon crécerelle ou pialer un Épervier d’Europe..

Mais je crois qu’il est temps pour vous de suivre les pas du dieu Janus, d’aller jusqu’aux Portes en Ré et de les ouvrir sur 2024 : Janvier c’est par ici ..

Patrice Giraudeau