Nous sommes croisés en Novembre 2023

Rencontres lors de mes collectes dans les écosystèmes de l’île de Ré

Novembre, le temps d’un naufrage, ou presque !

Nous nous sommes retrouvés bien malgré nous en plein milieu d’une effroyable bataille navale..
L’air chaud, assiégé par les escadres de l’Arctique, s’est battu vigoureusement, à grands coups de tonnerre, et jusqu’à son dernier souffle pour tenir sa position.
En vain, hélas !
Mais que de dégâts collatéraux..!

Entre le 15 Octobre et le 15 Novembre, rien ne nous aura été épargné : à commencer par une houle têtue de Sud-Ouest pendant 4 semaines, bien encouragée par les coups de vent et les violentes dépressions. Et puis ce déluge : il est tombé 350 litres d’eau par mètre carré à l’aéroport de La Rochelle pendant cette période ; cela représente plus de la moitié de la pluviométrie annuelle moyenne en 4 semaines !!

Si les Hommes ont payé un lourd tribut aux éléments, sur l’île, la Nature a vu ses paysages et ses petits peuples tout aussi malmenés.
Un peu partout, la côte a dû céder devant cet assaut, reculant par ici, se maintenant par là, mais au prix d’une érosion spectaculaire, laissant un estran recouvert des stigmates du carnage..

Ré a pris des allures de paquebot gisant de travers sur la grève.. avec ses arbres couchés, tels des mâts abattus, et de l’eau jusqu’à fond de cale depuis le Défends encerclé comme au XVIIème siècle, jusqu’à Mouille-Pieds, le bien nommé, avec par endroit 50cm d’une eau croupie et nauséabonde.

Mais c’est surtout pour les peuples du Large que tout cela s’est transformé en désastre, au point qu’on pouvait se demander parfois si le paquebot rétais ne s’était pas égaré plus à l’Ouest, très loin des rivages connus..
En effet, nous vîmes arriver autour de nous tous ces oiseaux si difficile à voir en temps normal : Fou de Bassan, Océanite tempête, Mouette de Sabine, Phalarope à bec large.
Et pas 1 ou 2, non ! Ce sont des dizaines qui, épuisés, dans un dernier sursaut, se sont accrochés à notre île et sur ses côtes. Pour beaucoup, ce fut leur ultime escale..

Je l’avoue, je n’ai guère eu envie de vous montrer tout cela ; je ne suis point reporter de guerre !
Je préfère vous montrer la Vie, qui, têtue comme une bourrique, continue son formidable chemin, commencé depuis si longtemps et qui, peu à peu, comble le vide des catastrophes..
Ainsi, vous verrez, au Grand Marchais, un Labbe parasite tentant d’extorquer de la nourriture à une Sterne caugek, ou bien, à Mouille-Pieds, mes premières Grives litornes de l’année et une troupe de Troglodytes mignons s’agitant dans ce qui reste de buissons émergés.. et bien d’autres occupés à chercher leur pitance dans cette Nature en vrac.

Alors, pour la balade parmi ceux qui vont continuer l’aventure du Vivant, c’est par ici..!

Patrice Giraudeau