Nous nous sommes croisés en Juin 2023

Rencontres lors de mes collectes dans les écosystèmes de l’île de Ré

Juin et ses jours les plus longs..

Tout commence évidemment à l’aube, sur la plage : c’est alors le temps de l’invasion, le temps où il faut tromper l’adversaire pour survivre, et on y arrive d’autant mieux que l’on dispose d’espions qui viennent de loin.

A l’aube : 6h20, ce 1er Juin, sur les plages du Pertuis Breton

Méfiez-vous de la langueur monotone de ce lever de Soleil ; il cache un déluge de feu et de tempêtes infernales qui règnent en ce moment à sa surface. En effet, notre étoile présente depuis quelques mois une activité plus importante que ce qui était attendu par les astronomes. Son cycle de 11 ans environ devait passer par un maximum vers 2024/2025 mais le niveau actuel d’activité suggère que ce maximum pourrait être atteint dès la fin 2023..
L’activité solaire se manifeste entre autres par la présence de taches sombres à la surface du Soleil, provoquées par les courants de convection dans notre étoile ; leur nombre est maximal au moment du pic d’activité. Les plus grandes de ces taches ont une dimension qui dépasse plusieurs fois celle de la Terre !

L’invasion : L’écrevisse de Louisiane

Cela fait quelques années que cette espèce d’Amérique a débarqué en Europe.. L’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) a été introduite en Europe vers 1980 à des fins commerciales, et, grâce à ses capacités à occuper des milieux extrêmes et son comportement, elle s’est considérablement développée au détriment des espèces européennes d’écrevisses, d’où son classement parmi les espèces invasives en Europe.
Elle se reconnait entre autres à sa carapace (céphalo-thorax) hérissée de grosses pointes émoussées.
Dans l’île de Ré, elle a été observée depuis quelques années par les écogardes de la CDC dans le secteur de Mouille-Pieds et très récemment, un individu a été découvert au Pas de Zanuck (ex-Omaha Beach pour les cinéphiles), ce qui suscite quelques inquiétudes pour notre très cher Pélobate cultripède dont les larves pourraient pâtir sévèrement de sa présence.
Elle a quelques prédateurs sur l’île, comme l’Aigrette garzette que je vous ai photographiée à Mouille-Pieds et qui en a avalée 2 ou 3 mais avec difficulté tant cette écrevisse se défend avec acharnement.

L’art de tromper pour survivre : La Sésie ichneumon

C’est bien l’effroi que recherche la Sésie ichneumon, mais pour ses prédateurs potentiels ! Ce Lépidoptère aux allures de guêpe est un remarquable produit de l’évolution des espèces.
En effet, en ayant hérité de cette forme et surtout de ce motif, nombre de prédateurs potentiels reconnaissent un signal d’alerte qui les dissuade de s’attaquer à ce papillon.. totalement inoffensif ! C’est un bel exemple de ce qui fut découvert par Henry Walter Bates en 1863 et qui est connu aujourd’hui sous le nom de "mimétisme batésien" : une espèce inoffensive porte les signes d’une espèce présentant un danger (venin, toxicité..) pour de potentiels prédateurs, diminuant ainsi la prédation sur l’imitateur et préservant son potentiel de reproduction.

L’espion qui venait du froid : La Rosalie des Alpes

Son nom peut facilement tromper le lecteur.. Si pendant longtemps, le gros des troupes de ce Coléoptère était localisé dans les hêtraies du massif alpin, aujourd’hui bon nombre de ces longicornes sont discrètement descendus en plaine, en particulier dans l’Ouest de la France où ils fréquentent plus volontiers Frênes et Peupliers. (la larve de ce Cérambycidé est xylophage).
La Rosalie des Alpes est une espèce protégée car, victime de sa beauté, elle a été très souvent capturée par des régiments peu recommandables de chasseurs alpins : les collectionneurs ! Ajoutez à cela que son habitat est en régression du fait des activités humaines, sa discrétion est devenue une condition de sa survie.
Par chance, notre île abrite quelques spécimens de Rosalie des Alpes, et, si par hasard vous voyez dépasser ses belles et grandes antennes bleues et noires à la surface d’un vieux tronc, signalez nous sa présence car, tous les ans, nous essayons d’estimer l’évolution de sa population sur Ré ; et cette année 2023 lui semble plutôt favorable..

Et pour la poursuite de l’expédition sous la lumière des jours les plus longs, c’est par ici..

Patrice Giraudeau

Rosalia alpina
Rosalia alpina
Rosalia alpina (Rosalie des Alpes) - 25/06/2023
Crédits : Patrice Giraudeau