Décembre : le temps des gratifications, pour qui aime l’Hiver en Ré..
🌟 Tout commence du côté du Martray, plus exactement à la pointe du même nom qui abrite un lopin de terre ferme planté solidement au milieu des marais..
En guise de bonjour, un Hirondelle rustique me passe sous le nez, me disant en son chant, qu’il n’y a plus de saisons !
En fait, ma visite est intéressée : je vise une longe d’eau saumâtre bordée de cyprès de Lambert et de toutes sortes d’arbustes qui jouxte cet ancien îlot..
Des Grèbes castagneux m’accueillent, ce qui me semble de bon augure ; ne reste plus qu’à attendre..
Les allers et venues d’un Martin-pêcheur constituent l’essentiel de l’animation du lieu et illuminent le temps qui passe..
Et puis, soudain, un cri peu fréquent dans l’île, perce le silence de l’Hiver ; il faut redoubler d’attention car l’animal est d’une discrétion proverbiale et, s’il se montre, ce ne sera que l’espace d’un instant tout au plus..
Enfin, sa silhouette de Gallinule au long bec file furtivement entre les deux rives : 3 secondes magiques.. pour voir passer un Râle d’eau !

✨ Six jours plus tard, au Grand Marchais.
Marée montante, un ciel de plomb et un vent de Nord-Est à la morsure puissante : il faut être fou pour trouver quelque chose par ici..
Mais c’est bien ce que je cherche !
4 ou 5 bateaux de pêche ratissent l’entrée du Pertuis Breton et c’est pour moi, comme une éclaircie dans une telle adversité, car ils ne peuvent que m’aider dans ma quête du jour..
Une heure passe, presque deux..
Et puis, telle la foudre, une zébrure blanche fend l’immense mur de grisaille.
Mieux, ce vent qui secoue inlassablement jumelles et appareil photo devient mon allié.
L’animal lutte contre ce souffle puissant et inégal, rendant son vol pour le moins chaotique, et l’obligeant finalement à se rapprocher de la côte.
Et c’est ainsi que me gratifia de son rare passage parmi nous, un célèbre habitant du large : le Fou de Bassan.

⭐️ Quelques jours passent ; une accalmie inattendue se présente : le vent s’essouffle et le ciel se dégage. C’est l’occasion de profiter du silence des bois et de visiter leurs habitants.
Je mets le cap sur une vieille dune, lointaine cousine de celles du Sahara1 et aujourd’hui dissimulée sous la végétation ; destination : les Evières.
La gelée a frôlé le sol et c’est une jolie troupe, très animée, de Grives mauvis qui me saluent : l’Hiver est donc bien installé.
Il ne me reste plus qu’à m’enfoncer dans les bois, en me faisant le plus discret possible ; mon objectif est une petite clairière qui, il y a encore peu, abritait un jardin soigné, véritable paradis pour la gent à plumes de ces bois.
Mais pour ce qui fut de la discrétion, mon échec fut patent : à peine arrivé, un roulement de tambour claqua dans la clairière et Maître Pic, épeiche de son nom, me fit comprendre en son langage que je dérangeais..
Nous négociâmes donc, et, finalement, il me gratifia de son portrait dont je lui promis grande notoriété !..
Il goba l’astuce, ainsi que les quelques vermisseaux de l’arbre où il trônait, puis nous nous quittâmes bons amis.

💫 Mi-Décembre, le jour se lève lentement sur le Pertuis d’Antioche, quelque part entre les écluses de la Pointe-à-Pitre et de la Tard-Tirée (cette dernière est d’autant bien nommée qu’avec une marée de 88, il n’y aura pas de quoi faire la maline !).
Deux amis, aux allures de bergers en grandes bottes, scrutent obstinément entre les moutons d’écume le moindre rocher qui dépasse, à la recherche de quelque trésor dont la Nature a le secret.
Ils sont à mille lieues, vingt mille peut-être, d’imaginer la scène qui les attend.
Au détour d’une pierre anodine, attirés par l’éclat de quelques Botrylles étoilés, ils tombent sur une minuscule grotte dans laquelle une lueur de vie perce l’obscurité du lieu.
Pas encore très bien réveillé, un Marbré étire nonchalamment ses dix pattes, ravi d’avoir passé la nuit à la belle étoile, bien que caché sous une vieille banche érodée.
Nous comprîmes alors que c’était ainsi que l’estran nous souhaitait de joyeuses fêtes et moult pêches miraculeuses.
La prophétie ne fut pas démentie et la galerie de portraits de ce mois de Décembre n’eût rien à envier aux précédentes !

Il est donc temps pour toi, ami lecteur, de passer aux pieds des banches ou des pins, pour y recueillir quelques gratifications du pays de Ré ; c’est par ici !..
Patrice GIRAUDEAU
🪅 PS : Il se trouve que j’ai pour vous un petit cadeau de plus, pesant ses 7g tout mouillé, en provenance directe de la taïga, et croisé cette fois-ci en plein coeur de La Rochelle ; voici un oiseau rarissime en France en ce mois de Décembre (1031 individus observés pendant toute l’année 2016, dans toute la France, et c’était une année record !) : je vous présente le Pouillot à grands sourcils .
Extrait de "A la découverte de l’île de Ré - Carnet de notes : Observations & Analyses - Patrice GIRAUDEAU - Tome 3 / Chapitre 18 : Les Évières"