Février, un temps à mettre un Threskiornithidé dehors..
Mais aussi, un temps où Hérodote racontait l’Égypte ancienne
Un temps où des oiseaux (-ornis-) rendaient les honneurs aux dieux (-threskos-) et étaient pour cela, sacrés !
Ainsi en est-il de Threskiornis aethiopicus, l’Ibis sacré.
Pourquoi une telle vénération sur les bords du Nil ?
Voici ce que raconte un certain Jean-François Champollion dans "Les Dieux d’Egypte" ouvrage inachevé, paru entre 1823 et 1831.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Ô cruel souvenir de sa gloire passée !
L’Ibis sacré a disparu d’Egypte au cours du XIXème siècle et, infamie définitive, il a été classé "espèce exotique envahissante" en France.
L’agriculture moderne l’a chassé des rives de la "Grande Rivière" du pays de "Kemet" (=Terre Noire, nom antique de l’Egypte faisant référence aux alluvions du Nil).
En France, ce sont quelques évadés de parcs zoologiques qui ont acquis une fort mauvaise réputation en prenant leur essor entre le Finistère Sud et l’estuaire de la Gironde, causant de graves préjudices à la faune endémique.
L’évasion eut lieu en 1993, et, en 2006, ce sont près de 1700 couples nicheurs qui étaient recensés sur la côte atlantique !
Après de sévères campagnes de régulation, on ne dénombrait plus que 350 couples nicheurs dans la même zone en 2018..
Cependant, ce prestigieux mais encombrant emplumé ne doit pas éclipser un autre Threskiornithidé dépourvu de toute place dans la mythologie : une longue cuillère emmanchée d’un long cou, voici Platalea leucorodia, la Spatule blanche.
A défaut de lignage antique, elle revient quand même de loin : entre la détérioration de ses zones d’hivernage en Afrique et la régression des zones humides en Europe, tout cela sous l’effet de l’action humaine, son avenir semblait sérieusement compromis.
Et puis, en Europe, la protection des zones humides et des températures de plus en plus douces en Hiver, lui permirent de se régénérer à partir des quelques couples rescapés de la catastrophe annoncée..
En situation critique vers 1970 (150 couples nicheurs aux Pays-Bas - principale population du Nord-Ouest de l’Europe à cette époque), ce sont aujourd’hui plus de 5300 couples qui sont présents dans la même région !
En France, la population est passée de 200 couples nicheurs en 2004 à plus de 1200 couples en 2018 ! Enfin, toujours en France, entre 1998 et 2018, la population de Spatule blanche en hivernage a augmenté en moyenne de 14% par an ! (aux dépens des hivernages africains)
De bonnes nouvelles, pour une fois ! Qui plus est, pour une espèce qui n’y va pas à la petite cuillère quand il s’agit de déguster des Écrevisses de Louisiane ! Une précieuse auxiliaire contre une espèce exotique envahissante !
Aujourd’hui, protégée par l’UICN , elle tient sa revanche sur son cousin du Nil !
Faute de temps pour vous raconter pas à pas mes nombreux compagnons de route de cette fin d’Hiver, je vais devoir vous laisser au bord de quelque sentier improbable pour les découvrir.
Et je vous donne rendez-vous, là-bas, tout au bout de la balade, par un des rares jours alcyoniens de ce Février tempétueux, avec un merveilleux ami :
l’Oiseau de Feu et de Glace, tout au plaisir de lisser ses plumes en attendant le Sacre du Printemps.
C’est par ici...
Patrice GIRAUDEAU
Sources
- Atlas des Oiseaux migrateurs de France (J.Dupuy / J. Champagnon ; T. Blanchon ; L. Marion)
- L’étymologie des noms d’oiseaux (P. Cabard)
