Septembre : tout le monde aux abris..
Depuis les fins fonds du Septentrion,
le Général Hiver a fait tonner ses premiers coups de canon :
l’émotion est à son comble parmi les populations boréales ;
le temps est venu de prendre des décisions radicales..
Faire face, ou bien s’effacer..
Vu de l’île de Ré, nous n’en apercevront que les dégâts collatéraux..
Certes, ici beaucoup sauront faire face avec un équipement minimum : il leur suffira d’épaissir et gonfler pelages ou plumages, ou bien de se terrer sous quelque pierre en attendant des jours meilleurs, sans compter ceux, comme le Doris aréolé de l’Atlantique (une "limace de mer" - un Nudibranche pour les spécialistes), qui trouveront dans l’océan un havre suffisamment douillet le long de nos côtes.
Au passage, sois remercié ici, vaillant Gulf Stream, fidèle rempart qui a repoussé pendant des siècles les assauts du Général, mais pour combien de temps ? Tu sembles faiblir, et que deviendront alors tes protégés quand la rigueur hivernale de Terre-Neuve traversera l’Atlantique jusqu’à nos côtes ?..
Des résistants, certes, il y en a, mais nous aurons aussi notre lot de "disparus" et le monde des Insectes va payer un lourd tribu au Général Hiver.
Contraints de s’effacer, la résignation n’est pas de mise chez eux ; ils vont encapsuler et laisser derrière eux une sorte de testament, un message de Vie qui sera lentement déchiffré dans la plus grande discrétion et dont la lecture engendrera au Printemps prochain une magnifique et nombreuse descendance.
L’Oeuf, l’arme absolue du Vivant !
Et la ruine des funestes efforts du Général !..
Regardez , par exemple, la Pélopée maçonne qui est passée maître dans l’art de confectionner des urnes en boue séchée pour y déposer ses oeufs, accompagnés de réserves de nourriture qui alimenteront sa progéniture en toute discrétion.
L’Hiver, ainsi pris au dépourvu, ne pourra vaincre tant d’obstination et d’ingéniosité..
Et puis vient l’immense cortège des fuyards contraints à l’exode.
Quelques uns nous demanderont asile, pour notre plus grand bonheur, le temps d’une saison, et ils sont une multitude à nos portes.
Dans cette foule parée de toutes sortes de manteaux de plumes, cherchez bien dans la Horde des Bécasseaux, il y en a un qui mérite votre attention : "Bécasseau minute" est son nom.
Une troupe discrète hivernera chez nous, pendant que le reste du contingent poursuivra sa route vers les côtes d’Afrique, jusqu’au Cap (plus de 10.000km accomplis par une créature de 50g !).
Il passe inaperçu en raison de sa taille (d’où son nom de "minute" - "minutus" = "petit, insignifiant" - pour lui, un Bécasseau variable fait figure de géant !), mais inaperçu aussi, parce que sa livrée est souvent confondue avec celle des autres Bécasseaux.
Nos côtes lui prodigueront petits crustacés, vers et mollusques à satiété avant de s’en retourner dans la toundra, pour célébrer ses noces de Printemps.
D’autres s’arrêteront ici, le temps d’une pause salvatrice, avant de poursuivre plus avant leur périple.
C’est ainsi que Septembre voit passer par chez nous les Gobemouches noirs, sur la route du Sahel, le temps de grappiller au vol les derniers insectes de la saison en guise de carburant.. et de nous gratifier d’impertinentes cabrioles aériennes sous les moustaches courroucées du sinistre Général..
Je crois que le moment est venu de retrouver avec moi, la trace de ces peuples livrés au Froid,
depuis ceux qui ont dû lui faire allégeance, jusqu’à ceux qu’il réduira au silence,
venez voir ces courageuses engeances : c’est par ici ...
Patrice Giraudeau
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Les années se suivent.. mais se ressemblent-elles ?
Rappelez-vous, Septembre 2023
Souvenez-vous, c’était en Septembre 2022
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PS : Dernière minute, si je puis dire.. Il semblerait que l’estran prépare déja Noël ! La preuve ci-dessous :
Et pour les curieux, voir mon article de Mai à propos des Ascidies, dont le Botrylle étoilé..